Fanfan
Nombre de messages : 48 Date d'inscription : 15/02/2010
| Sujet: LES CHOIX CONSTITUTIONNELS DE 1958 Mer 9 Fév - 11:58 | |
| Les choix constitutionnels de 1958 Une Constitution n’est pas cette construction désincarnée que se plaisent à décrire les juristes les plus positivistes. Elle est marquée par la culture de son temps, par les valeurs, les espoirs, les croyances, les craintes aussi, de ses fondateurs comme de ses premiers usagers ou interprètes. La Constitution du 4 octobre 1958 est donc marquée par son temps, mais elle arrive aussi au terme d’une histoire et, à ce titre elle est aussi porteuse d’une histoire. Dans le cas de la Ve République, il s’agit d’une histoire longue, très conflictuelle. C’est l’histoire du basculement du centre du pouvoir dans l’Etat du législatif vers l’exécutif depuis la fin du XIXe siècle et surtout le début du XXe siècle. Pour le dire d’une formule, nécessairement restrictive, la question qui se pose alors est de savoir qui doit l’emporter : la souveraineté parlementaire ou l’efficacité gouvernementale ? Cette question hante les débats politiques depuis la fin du XIXe siècle. Ce n’est pas une question anodine, car derrière se profilent des conceptions antagonistes de la démocratie, des façons de faire de la politique, des modes de légitimation de l’action publique, des types d’élites qui doivent gouverner le pays. Derrière la question des pouvoirs réciproques de l’exécutif et du législatif, se jouent donc des conceptions du pouvoir. Avant de décortiquer l’architecture constitutionnelle stricto sensu de la Ve République, il est donc nécessaire de revenir sur cette conception du pouvoir, de comprendre d’où elle vient, ce qu’elle signifie et ce qu’elle implique, notamment, dans l’organisation des pouvoirs publics. A bien des égards, la Constitution de la Ve République rompt en effet avec la tradition parlementaire française. Pour les constituants, en 1958, il s’agit en réalité de mettre en place un régime parlementaire « rationalisé ». L’expression « rationalisation du parlementarisme » date des années 1930. En même temps qu’elle exprime un idéal de politique scientifique, elle renvoie en fait aux différents mécanismes envisagés pour réduire l’emprise du Parlement sur l’action gouvernementale afin d’aboutir à un fonctionnement plus efficace du pouvoir exécutif. De ce point de vue, les constituants de 1958 appliquent, presque systématiquement, le catalogue des solutions envisagées par les différents courants réformateurs depuis l’entre-deux guerres pour assurer la prépondérance du pouvoir exécutif. L’enjeu premier – du moins le plus visible – de la Constitution de 1958 est donc là : renforcer l’autonomie du gouvernement, le rendre moins dépendant du Parlement, en particulier lorsqu’il s’agit d’élaborer des politiques publiques, notamment à travers des normes juridiques, et le mettre à l’abri, dans le même temps, d’un contrôle trop appuyé, intrusif, des parlementaires. Autrement dit, il s’agit d’établir les frontières les plus étanches possible entre le pouvoir gouvernant et le Parlement tout en maintenant le principe – parlementaire – de la collaboration des pouvoirs (cf. la loi constitutionnelle du 3 juin 1958). La Constitution de 1958 ne fait donc pas que donner de nouvelles compétences au pouvoir exécutif – qui devient de moins en moins « exécutif » et de plus en plus « gouvernant » –, elle réorganise entièrement les rapports entre le gouvernement et le Parlement. Et il ne s’agit pas uniquement, comme peut le faire croire l’expression « parlementarisme rationalisé », d’une réorganisation « technique », mais bien d’une conception du politique et du pouvoir. | |
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